La lettre à UN-FRANC pour Amsterdam,
une fraude postale précoce
La grande enveloppe fut envoyée le 27 novembre 1876 de la gare de Luxembourg à Amsterdam. Elle fut affranchie de deux timbres à UN-FRANC des percés en lignes colorées de l’émission Naumann. Les deux timbres furent oblitérés avec le cachet à cercle unique „LUXEMBURG-BHF“.
L’enveloppe et son contenu pesaient 120 grammes (indication en haut à gauche). C’était là huit fois le tarif de l’UPU pour l’étranger: 25 centimes par 15 grammes, donc 2 francs. En haut à droite en outre l’inscription manuscrite „Pressé“. La lettre a été adressée à Monsieur Insinger, Commissaire de la Compagnie de Navigation à Vapeur Zeeland, avec siège à Amsterdam.
Fig. 1. Lettre à UN-FRANC pour Amsterdam – recto
Fig. 2. Lettre à UN-FRANC pour Amsterdam - verso
L‘expéditeur
Les faibles restes du sceau au verso (fig. 2) ne permettent pas d’indication concernant l’expéditeur. Mais on trouve au revers une intéressante remarque (fig.3) en langue néerlandaise „ommestaand adres is geschreven door Prins Hendrik van Oranje“, [1] ce qui signifie que l’adresse au recto a été écrite par le prince Henri des Pays-Bas.
Fig. 3. Note au crayon au revers
La note est plausible. Le prince Henri d’Orange-Nassau, frère du roi des Pays-Bas et Grand-duc de Luxembourg Guillaume III, était de 1850 à 1879 Gouverneur du Grand-duché. Ce qui rime en outre avec l’adresse, c’est que le prince Henri était appelé « Le navigateur ». Reste la question si la note est authentique et qui l’a écrite.
La fraude postale
Fig. 4. L‘affranchissement
La différence de qualité des deux timbres est frappante. Celui de droite est d’un aspect moins frais et est en outre endommagé au coin inférieur gauche (fig. 4). Il rappelle des timbres mal détachés.
Fig. 5. Le timbre réutilisé, tourné de 90°. On reconnaît des traces d’une oblitération antérieure.
A y regarder de près on reconnaît sous les cachets du timbre de droite un autre cachet qui a été frappé deux fois, mais qui n’empiète ni sur le deuxième timbre ni sur l’enveloppe. (fig. 5). En plus il ne s’agit pas du cachet de la gare de Luxembourg, mais du cachet à cercle unique de Luxembourg qu’on connaît pour cette valeur sur les cartes de paquets pour Longwy[2]. Pour le plus ancien des cachets, à côté des restes de chiffres difficilement déchiffrables, c’est le chiffre 6 qui est remarquable : l’écart avec le L de « Luxembourg révèle qu’il s’agit du deuxième chiffre de la date courante. A remarquer également que les trois oblitérations de la lettre se présentent sous des angles différents, ce qui est plutôt l’exception pour des lettres de cette époque. Deux cachets auraient suffi, il n’en aurait sans doute pas fallu trois. Pour l’application des cachets il fallait tourner la lettre de 180°. Les deux cachets les plus récents du timbre de droite sont en outre appliqués de sorte à couvrir et rendre indéchiffrables les plus anciens. Qui est responsable de la fraude réalisée par le réemploi de la plus haute valeur d’alors? L’expéditeur ou l’employé des postes ? L’emplacement des oblitérations fait pencher plutôt vers l’employé. Mais cela ne se laisse plus démontrer.
La signification de la lettre à UN-FRANC pour Amsterdam
Nous avons déjà publié en 2015[3] un enregistrement de toutes les lettres et de tous les fragments que nous connaissions du UN-FRANC-Naumann. Entretemps nous avons pu compléter cette liste par un fragment et par la lettre que nous présentons ici (tab. 1). Les fragments fournissent peu d’informations sur le champ d’application. La lettre qui nous était connue en 2015 et les deux devants de lettres sont des lettres chargées à affranchissement mixte. La lettre que nous présentons ici est la deuxième enveloppe complète connue. Jusqu’à présent on ne connaissait l’emploi de ce timbre uniquement sur des lettres de valeur et sur des cartes d’enregistrement de paquets. La présente lettre révèle une troisième utilisation: huit fois le tarif de l’UPU pour l‘étranger. C’est en outre l’unique emploi confirmé de ce timbre qui ne fait pas partie d’un affranchissement mixte[4]. La lettre gagne encore en importance du fait de la destination des Pays-Bas rare pour cette époque, et d’une fraude précoce.
N° du catalogue (Prifix) |
Date du cachet |
Lieu du cachet |
Condition |
Provenance |
19,24,25,30 |
13.6.78 |
Troisvierges |
enveloppe |
Seligson 5349; Feldman 1984, 51081; Houser, 2072 |
19,24(2x),32 |
25.12.77 |
Wiltz |
devant de lettre, incomplet |
Corinphila 80, 1990, 4488 |
24,30, +? |
21.2.78 |
Wiltz |
devant de lettre, incomplet |
Collection Rudi Kremer |
20(3x),24(2x) |
13.5.78 |
Wiltz |
fragment |
Köhler 300, 1998, 735; Soluphil 122, 2014, 854 |
24 (2x) |
14.5.79 |
Echternach |
frgment (bas de lettre) |
Collection Olivier Nosbaum |
18(2x),24 |
14.7.74 |
Wiltz |
petit fragment |
Soluphil 107, 2008, 730 |
24 |
20.?.? |
Luxembourg |
petit fragment |
Collection Marc Schaack |
24 |
?.7.74 |
Troisvierges |
petit fragment |
Soluphil 115, 2010, 1077 |
24 |
21.?.76 |
Luxemb..(BHF.?) |
petit fragment |
Götz 377, 2018, 3671 |
24 (2x) |
27.11.76 |
Luxemburg BHF. |
enveloppe |
Gärtner 36, 2017, 13936 |
Tableau 1 Lettres et fragments avec le timbre à UN-FRANC. Ne font pas partie de la liste des cartes d’accompagnement de paquets et leurs fragments. Nous n’indiquons la provenance qu’une seule fois lorsque le lot a été présenté à plusieurs ventes successives. Les possesseurs actuels ne sont pas révélés même s’ils nous sont connus[5].
Commission pour la Philatélie traditionnelle, les Entiers postaux et l’Histoire postale du Luxembourg
Le livre „O. Nosbaum/ M. Schaack, Forschungen zu den Luxemburger Wappenmarken (1859-1882) (Saarbrücken 2019) “ (avec traduction française) peut être acheté chez les auteurs pour 50 euros. Pour l’envoi par la poste virer 50 + 6 euros sur le compte LU09 0019 1206 7955 9000 BCEELULL d’Olivier Nosbaum.
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Marc Schaack
6, rue Thoma
L-3761 Tétange
Tel. : 26 17 53 87
Olivier Nosbaum
135, rue de Bettembourg
L-5811 Fentange
Tel. : 621 49 40 65
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[1] Herman Geurts et Olaf "DERMZ"; nous ont aidés à décoder l'écriture et sa traduction sur Philaseiten. de.
[2] MDC 4, 2015, 188-191; O. Nosbaum/ M. Schaack, Forschungen zu den Luxemburger Wappenmarken (1859-1882) (Saarbrücken 2019), 109–115.
[3] MDC 5, 2015, 215-223; O. Nosbaum/ M. Schaack, Forschungen zu den Luxemburger Wappenmarken (1859-1882) (Saarbrücken 2019), 99–108.
[4] Dans le cas de la carte d'accompagnement du lot 1508, Soluphil 115 (collection Melusina), également affranchie avec deux timbres de l'UN-FRANC, l'affranchissement restant a été supprimé.
[5] Légèrement modifié et complété d’un fragment, d‘après : O. Nosbaum/ M. Schaack, Forschungen zu den Luxemburger Wappenmarken (1859-1882) (Saarbrücken 2019), 101, Tab. 1.